Les organismes québécois constatent que le mouvement #MoiAussi, bien qu’il soit mené par des femmes, a occasionné une prise de conscience importante chez les hommes. Depuis 2017, de plus en plus d’entre eux portent plainte à la police après avoir été la cible d’une infraction sexuelle, que ce soit durant l’enfance ou à l’âge adulte. En parallèle, les dénonciations faites par des victimes féminines sont montées en flèche.
On est à environ 1500 hommes qui dénoncent par année [aux autorités du Québec], précise Samuel Dussault. Le chiffre a vraiment augmenté depuis #MoiAussi. Avant, on était entre 800 et 1000 depuis 10, 20 ans.
Selon le ministère de la Sécurité publique du Québec, ces données concernent les infractions sexuelles dont le bien-fondé a été établi au moyen d’une enquête policière
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En parallèle, de plus en plus de ces hommes sollicitent de l’aide auprès des organismes qui les soutiennent. Après la vague #MoiAussi, ces organismes ont noté jusqu’à 62 % de demandes de services en plus, indique la psychologue et professeure en sexologie à l’Université du Québec à Montréal (UQAM) Natacha Godbout. Cette dernière collabore avec plusieurs organismes du Québec dans le cadre de ses recherches consacrées à la réalité de ces victimes masculines.
Aux premières loges de cette tendance, il y a le Centre de ressources et d’intervention pour hommes abusés sexuellement et leur entourage (CRIPHASE). Cet organisme accompagne des hommes depuis 25 ans, ce qui en fait un pionnier dans l’intervention au Québec.
Le centre montréalais est l’un des trois organismes spécialisés dans la province qui s’adressent uniquement aux hommes. Les deux autres sont situés à Trois-Rivières et à Sherbrooke.
Line Ouellet, responsable clinique du CRIPHASE, mentionne que l’organisme montréalais reçoit plus de 150 demandes d’aide annuellement et que le portrait de cette clientèle est en évolution.
Ces dernières années, depuis #MoiAussi, on a vu un changement, estime la psychothérapeute. Il y a beaucoup plus de jeunes et de gens de différentes communautés culturelles qui viennent nous consulter. On est très contents.
Cependant, l’équipe multidisciplinaire qui travaille en intervention psychosociale ne suffit pas à la demande dans la grande région montréalaise : le temps d’attente pour obtenir du soutien est de six mois au CRIPHASE. Diminuer ce délai est une priorité de tous les instants pour l’organisme.
Plusieurs de ces victimes ont attendu des décennies avant de dévoiler leur agression et de demander de l’aide. Souvent, ces personnes sont en « situation de crise » au moment de leur appel à un organisme, selon Tatou Parisien, du CIASF. Le déclencheur peut provenir de la sphère familiale ou professionnelle, mais il est souvent lié à la vie intime et sexuelle.
« On fait un effort colossal pour essayer de répondre dans le fameux 24 à 48 heures. C’est bien documenté dans la littérature [scientifique] que si tu les mets sur la liste d’attente pendant trois mois, bien, ils ne viendront pas. Ils ne se rendront pas jusqu’à la fin de cette démarche. »