15 mai 2024
(Montréal) Entre 10 et 20 % des hommes auraient vécu une agression sexuelle au cours de leur vie au Québec, mais ce taux pourrait être sous-estimé en raison de la socialisation masculine, soulève un premier rapport du Regroupement des organismes québécois pour les hommes agressés sexuellement (ROQHAS).
La prévalence des violences chez les hommes est encore plus importante chez certains groupes, tels que « les hommes issus des communautés GBTQ, les étudiants, les hommes des Premières Nations et Inuit et les hommes ayant une incapacité ».
Le ROQHAS rapporte que les « jeunes hommes gais et bisexuels sont près de cinq fois plus susceptibles d’avoir vécu des abus sexuels dans l’enfance comparativement aux hommes hétérosexuels ».
Du côté des étudiants, on estime qu’environ un homme sur quatre vivra une forme de violence sexuelle en milieu collégial ou universitaire.
« Les statistiques sur l’agression sexuelle ne feraient qu’effleurer la pointe de l’iceberg du nombre d’infractions réelles chez les hommes sachant que c’est l’un des crimes les moins dénoncés », mentionne le rapport. Au Québec, les hommes ont deux fois plus de chances de ne jamais dévoiler leur abus sexuel que les femmes.
« On sait que (les hommes) vont moins dévoiler au moment de l’abus et qu’ils vont garder le silence plus longtemps. Ça peut s’étaler sur des dizaines d’années avant d’aller chercher de l’aide et quand ils en parlent, ils vont le dévoiler à moins de personnes », a indiqué en conférence de presse, mercredi, le directeur du ROQHAS, Samuel Dussault.
Le regroupement reconnaît qu’il y a bien moins d’agressions sexuelles vécues par des hommes que par des femmes, mais il souligne que ces abus méritent d’être reconnus.
Peu importe le genre, les personnes ayant vécu une agression sexuelle sont susceptibles de vivre les mêmes conséquences, entre autres de développer des troubles de santé mentale, de l’anxiété, des dépendances et des idéations suicidaires.
« Donc il faut prendre en considération ces victimes. Il faut leur donner des soins, leur donner des services pour qu’ils puissent guérir de ces conséquences », fait valoir M. Dussault.
Il a précisé que les recherches montrent une conséquence spécifique aux hommes, celle d’avoir tendance à remettre en doute leur orientation sexuelle, affectant leur relation ou leur façon de se percevoir.
Selon le ROQHAS, pour venir en aide aux hommes victimes, il faut « lutter contre les stéréotypes de genre, sensibiliser et éduquer le public et les professionnels sur cette réalité encore marginalisée, soutenir les services existants aux hommes ayant vécu une agression sexuelle ».
Le manque de représentation dans la sphère publique, par exemple dans les séries télévisées, vient invisibiliser ce sujet.
« Ça crée cette conception genrée que les femmes sont les victimes et les hommes sont agresseurs. Ça ne permet pas d’aller au-delà de cette nuance qui mérite d’être brisée et de partager ce message que les hommes peuvent vivre des violences sexuelles », a déclaré M. Dussault, réitérant que « bien entendu, elles ne sont pas en nombre aussi grand que peuvent vivre les femmes ».
Le ROQHAS souhaite une représentation plus équilibrée des hommes victimes dans les politiques gouvernementales.
Dans le plan « Rebâtir la confiance » du Comité d’experts sur l’accompagnement des personnes victimes d’agressions sexuelles et de violence conjugale, on fait mention que des hommes peuvent être victime d’abus sexuels. Mais rien n’est proposé spécifiquement pour aider les hommes, déplore M. Dussault.
Le gouvernement Legault a présenté récemment une série d’actions pour bonifier le plan d’action de la stratégie gouvernementale. Une des actions visait spécifiquement les hommes, mentionnant qu’ils peuvent avoir des comportements violents et que les hommes doivent s’intéresser à la lutte contre la violence sexuelle et conjugale et que ces hommes doivent être des modèles positifs.
« Mais on invisibilise les hommes victimes, se désole M. Dussault. Ça aurait été une bonne occasion du gouvernement de faire cette reconnaissance sociale que les hommes peuvent être victimes de violence sexuelle. »
Il s’agit d’un aspect frustrant pour lui puisque les différentes stratégies du gouvernement continuent de l’omettre depuis le mouvement #moiaussi.
Le rapport du ROQHAS insiste sur les défis pour déceler l’agression sexuelle chez les hommes. M. Dussault a indiqué que des ressources existent dans presque toutes les régions administratives du Québec, mais qu’elles sont peu connues du public.
Les organismes œuvrant auprès des hommes ayant subi des abus ont soulevé le besoin de formations et d’avoir un espace de discussion sur les différents enjeux, ce qui permettrait aux membres et intervenants de se rassembler.